Le mensonge est normal chez les plus jeunes
Certaines personnes considèrent que les enfants
d’aujourd’hui mentent plus qu’autrefois. Or il est impossible de répondre à
cette question sans émettre un parti-pris ou un sentiment personnel qui ne
pourraient reposer que sur une impression. Franchement Il n’existe à ma
connaissance aucune étude scientifique sérieuse permettant de dire si oui ou
non les enfants mentent aujourd’hui plus qu’autrefois. Je crois qu’ils ont
toujours menti et qu’ils mentiront toujours. D’ailleurs, la plupart des
spécialistes s’accordent à dire que les petits mensonges du jeune enfant jusqu’à
5-6 ans représentent une phase de sa construction. Ils font partie de son développement :
l’enfant invente des choses, il transforme la réalité , il joue, prend des
rôles et s’invente des histoires. La frontière entre le réel et l’imaginaire
n’est pas très claire dans son esprit. Ces petits mensonges sont facilement
identifiables et il serait regrettable que le parent leur accorde une
importance excessive C’est plus tard, vers l’âge de 7 ans, que l’enfant
parvient à faire la part des choses et qu’il va utiliser le mensonge pour tromper.
Alors, si le mensonge devient une pratique courante de l’enfant, le parent va
devoir s’intéresser à cette question et éclaircir un certain nombre de points.
Mais pas n’importe comment.
Agir plutôt que réagir
Quand ils se rendent compte que leur enfant leur a menti,
certains parents réagissent à la façon du taureau qui fonce tête baissée dans
le drap rouge qu’on agite devant lui. C’est rarement, selon moi, une bonne
solution parce que cela va trop vite : on ne réfléchit pas, on ne comprend
pas, on se contracte, on crie, on se fâche, on punit et, au final, on ne fait
guère avancer les choses. La première des choses est de changer de regard sur
l’enfant et d’arrêter de considérer qu’il est un petit « pervers
polymorphe » cruel et tout-puissant qu’il faut dompter pour éviter de se
faire bouffer par lui ; cesser de croire qu’il ment pour prendre le
pouvoir sur nous. Cette invention de la psychanalyse fait des ravages depuis plus
d’un siècle. Il serait à mon avis raisonnable à présent de changer de lunettes.
Ensuite, en tant que parent nous pouvons considérer que le
mensonge est, en lui-même, un moment de vérité, qu’il a un sens et une
fonction, qu’il nous « dit » quelque chose et qu’il sert à quelque
chose. Un enfant peut mentir pour différentes raisons : simplement pour
voir l’effet que cela fait, pour plaisanter, par plaisir de mentir et de transformer
la réalité, parce qu’il a fait une bêtise et qu’il redoute les conséquences
s’il dit la vérité. La peur, la honte et la culpabilité font souvent le lit du
mensonge. Certains enfants mentent aussi parce qu’ils ont une piètre estime
d’eux-mêmes et que le mensonge leur permet de montrer qu’ils sont forts,
habiles, courageux : « un grand a essayé d’embêter ma petite sœur, je
me suis approché en roulant les mécaniques, tu verrais comme il a
détalé ! » Parfois ce que le parent considère comme un mensonge n’est
qu’un simple décalage de perception : par exemple l’enfant a considéré
qu’un événement était sans importance et il n’en a pas faire part à son parent
alors qu’il s’agit de quelque chose de grave aux yeux ce dernier. Cette
omission peut être considérée par le parent comme un mensonge alors qu’elle
n’en est pas un.
Quoiqu’il en soit, ne passez pas sur le mensonge, ne faites
pas comme s’il n’existait pas, comme s’il était secondaire. Abordez-le
sereinement avec l’enfant. Le mensonge est toujours une réponse, souvent
intelligente, à une situation qui pose problème à l’enfant. Et il faut bien
comprendre qu’un enfant qui ment cherche à se protéger lui-même, bien sûr, mais
peut-être aussi à épargner son parent, à éviter de le mettre en souci ou de lui
faire de la peine. Donc regardons le mensonge pour ce qu’il est et pour ce
qu’il dit, sans le considérer systématiquement comme un problème majeur.
Ton nez s’allonge
Le dialogue avec l’enfant est nécessaire pour l’aider à
sortir du mensonge. Mais un dialogue utile, constructif, aidant, avec une
écoute réelle, sincère et sans jugement. Si l’enfant ment, c’est parce qu’il ignore
la différence entre l’imaginaire et la réalité, qu’il méconnaît la frontière
entre le bien et le mal ou qu’il n’a pas encore trouvé d’autre moyen pour
régler une difficulté. Il est important de l’aider à avancer pour trouver
d’autres attitudes et d’autres comportements. Dès que vous le jugez ou que vous
imposez quelque chose par la contrainte ou par la force, vous avez déjà perdu.
Si vous dites « tu m’as menti, tu seras puni ! » ou « tu es
méchant, c’est pour cela que tu mens à longueur de journée », vous avez certes
de bonnes intentions, vous voulez que l’enfant change, mais cela ne fonctionne
pas. Le problème est que beaucoup de parents fonctionnent la plupart du temps
avec leurs habitudes et leurs automatismes. C’est plus simple, plus économique
et cela leur évite d’aller plus au fond des choses, mais finalement cela ne
règle rien. Changer ses habitudes nécessite un engagement et de l’attention de
la part de l’adulte, cela prend du temps.
Pour que l’enfant puisse sortir du mensonge, il faut qu’il
soit en confiance avec son parent, qu’il n’ait pas peur. Sinon il va tenir tête
et persister dans son mensonge, même si celui-ci est gros comme une maison. Montrez
à l’enfant que vous entendez sa difficulté, qu’il ne lui sert à rien de vous cacher
la vérité. Dites par exemple : « je comprends que tu aurais préféré
que les choses se passent autrement parce que cela te fait beaucoup de peine
d’avoir rayé la voiture en passant avec ton vélo, je suis sûr que tu ne l’as
pas fait exprès... », au lieu de dire « ton nez s’allonge, tu me dis
que c’est le chien avec ses griffes, tu es en train de me prendre pour un
dindon. »
Chaque fois que c’est possible, réfléchissez avec l’enfant à
des solutions possibles au problème : « comment est-ce que nous
pouvons réparer cette bêtise ? Est-ce que tu as une idée ? » Et
profitez-en pour explorer d’autres façons de procéder avec l’enfant :
« j’ai confiance en toi et je sais que tu utilises ce moyen parce que tu
n’as pas trouvé d’autre solution. Comment pourrais-tu faire la prochaine fois
que tu rencontreras un problème de ce genre ? De quelle façon pourrais-tu me
dire les choses sans être obligé de me raconter une histoire ? »
Expliquez-lui pourquoi il est important pour vous de connaître la vérité, que
c’est nécessaire pour maintenir la confiance entre vous, que c’est plus
important que la réalité qu’il veut vous dissimuler.
Par la suite chaque fois que l’enfant vous dira la vérité,
alors qu’il aurait été plus simple pour lui de faire autrement pour échapper à
un problème, dites-lui combien vous êtes sensible à son honnêteté et à sa
franchise. Souvent, les parents oublient de valoriser les comportements qu’ils
considèrent comme normaux ou allant de soi, alors que les enfants sont très
touchés quand ils reçoivent ce genre de message.
L’obsession de la vérité

Les parents peuvent aider leurs enfants à développer leur
sens de la vérité en étant eux-mêmes vrais, loyaux, sincères et authentiques.
Cela va peut-être vous surprendre, mais les parents attendent souvent de
l’enfant des valeurs, des attitudes et des comportements qu’ils ne portent pas
eux-mêmes. Or les enfants fonctionnent beaucoup sur le registre de l’imitation.
Si vous dites par exemple à votre jeune : « il ne faut pas raconter à
maman que nous avons cassé ses plantes en jouant au ballon sinon elle ne vas pas
être contente, on dira que c’est le vent... » vous ne montrez pas le bon
chemin. C’est anecdotique, mais les enfants ne sont pas dupes.
Le mensonge est aussi une occasion d’apprendre à ne plus
mentir, saisissons-le comme un outil d’apprentissage. Voilà comment nous
parviendrons à obtenir que nos enfants n’usent du mensonge qu’en cas d’absolue
nécessité.