« Les hommes civilisés se
trompent souvent parce qu’ils pensent trop. »
Cette phrase introductive du maître zen Taisen Deshimaru annonce la couleur du nouvel opus de Pierre Raynaud. Les hommes pensent trop et, pourrait-on rajouter, ils pensent mal, parce que leurs structures nerveuses et les multiples conditionnements culturels, éducatifs, langagiers, relationnels auxquels ils sont sujets les prédisposent à se tromper, à confondre les cartes avec le territoire, à prendre le mot pour la chose, la structure du langage comme modèle du monde. Or le mot chien n’a jamais mordu personne, il est insensible aux caresses et ne « gratte pas ses puces. »
Cette phrase introductive du maître zen Taisen Deshimaru annonce la couleur du nouvel opus de Pierre Raynaud. Les hommes pensent trop et, pourrait-on rajouter, ils pensent mal, parce que leurs structures nerveuses et les multiples conditionnements culturels, éducatifs, langagiers, relationnels auxquels ils sont sujets les prédisposent à se tromper, à confondre les cartes avec le territoire, à prendre le mot pour la chose, la structure du langage comme modèle du monde. Or le mot chien n’a jamais mordu personne, il est insensible aux caresses et ne « gratte pas ses puces. »
Nourri aux deux mamelles de la
sémantique générale et du constructivisme (notamment la systémique de Palo Alto),
Pierre Raynaud fait figure d’empêcheur de penser en rond. Il nous livre un
texte décapant qui n’épargne rien ni personne, et nous invite à entrer dans ce
monde nouveau : le langage du réel afin
d’instaurer, dit-il, « un vrai changement de vie et de société ».
Parlons-nous le même langage ?
Dès que nous parlons du monde, nous sortons du monde pour entrer dans l’univers
subjectif des interprétations, des opinions, croyances, préjugés et tutti quanti. Nous quittons le
territoire pour la carte, les cartes, parce que « notre civilisation,
notre éducation, nous poussent à vivre le plus possible au niveau des cartes et
[que] nous sommes habitués à juger, à prendre des décisions en restant dans les
cartes, sans ressentir le besoin[…] d’aller voir sur le terrain la
réalité. » Nous sommes conditionnés par le prisme déformant de notre
langage, incapable de décrire le réel et limité dans ses nuances. Du reste,
précise Pierre Raynaud, « toute communication ne peut être qu’un
malentendu » parce que l’information pure et l’objectivité relèvent de
l’impossible.
L’auteur s’empare de la
« chose » politique pour illustrer les pièges de l’abstraction, des
discours abstraits et des généralisations abusives, écharpant au passage les
mots creux de ce qu’il nomme l’antidictionnaire :
la gauche, la droite, la France, la démocratie, la liberté, l’égalité, le
bonheur, la justice, la religion, le socialisme, etc. Tous ces mots « qui
ne veulent rien dire » tellement leurs significations sont diluées et
subjectives, mais qui sont à l’origine de tellement de conflits...
Alors quoi faire ? Comment
sortir de l’abstraction et accéder au changement, pour nous-mêmes mais aussi
dans nos relations aux autres et à notre environnement ? Pierre Raynaud
propose des outils concrets pour sortir des abstractions, « voir
clairement le réel » et parler son langage en évitant les sirènes contre
lesquelles l’auteur nous a mis en garde. Oui nous pouvons gagner une
authentique liberté : « celle de penser par nous-mêmes, d’observer et
de comprendre ce qui se passe et comment le changer. » Dont acte !