Placebo et nocebo sont sur un bateau

Sans doute connaissez-vous l’effet placebo… De nombreuses études scientifiques l’ont confirmé, dans certains domaines thérapeutiques comme l’angine de poitrine, l’insomnie, les phobies, les migraines, les douleurs postopératoires ou cancéreuses, de simples cachets composés de lactose ou des gélules de sérum physiologique possèderaient, six fois sur dix, une efficacité identique à celle des médicaments actifs.
L’effet placebo illustre les étonnants pouvoirs de la suggestion et de la manipulation positive, comme je l’explique dans mon ouvrage La Manipulation au quotidien. Et c’est une bonne nouvelle : nous sommes capables de stimuler notre esprit pour guérir, créer, inventer notre vie.
Moins connu car moins étudié par les scientifiques, l’effet nocebo (du latin je nuirai) est son jumeau maléfique.
Lorsque nous sommes sujets au pessimisme, au stress, à la déprime, nous nous infligeons aussi des suggestions aux effets dévastateurs. Cela me rappelle ce fait divers des années 50 : un employé des chemins de fer britanniques se retrouve par mégarde enfermé dans un wagon frigorifique. Le voyage dure plusieurs heures et à l’arrivée, on le retrouve mort. Son corps, examiné par les médecins, présente tous les symptômes d’une mort par le froid. Pourtant, le système de refroidissement du wagon était en panne et la température à l’intérieur de la chambre froide était de l’ordre de 18°C. Convaincu qu’il allait mourir, le malheureux homme a « programmé » sa disparition.

Dans le même registre, la neurobiologiste américaine Helen Pilcher, New Scientist évoque le cas de ce malade : « A la fin des années 1970, Sam Shoeman apprend qu’il souffre d’un cancer du foie en phase terminale et qu’il ne lui reste plus que quelques mois à vivre. Shoeman meurt effectivement quelques semaines plus tard et pourtant les résultats de l’autopsie révèlent que les médecins s’étaient trompés : la tumeur était en réalité minuscule et il n’y avait aucune trace de métastases. “Il n’est pas mort du cancer, il est mort parce qu’il croyait qu’il était en train de mourir du cancer”, résume Clifton Meador, professeur à l’école de médecine Vanderbilt de Nashville. »
Les exemples de l’effet nocebo sont multiples.  « On a ainsi pu observer l'apparition de troubles chez des riverains d'une antenne-relais de téléphonie mobile, alors même que l'installation n'avait pas encore été mise en service »,  lit-on sur Wikipédia. De même, la « mort vaudoue » pourrait trouver son explication dans ce phénomène.
Ce qui est plus inquiétant, c’est que l’effet nocebo semble contagieux. Connu sous le terme de “phénomène psychogénique de masse”, il semble que, depuis des centaines d’années, les médecins aient observé des cas de propagation de symptômes inexpliqués au sein d’un groupe.
Dans Le Mystère du nocebo, Patrick Lemoine, médecin, psychiatre spécialisé dans l’exploration et la prise en charge des troubles du sommeil et de la dépression, explore ce phénomène et l’étend à la société de l’information. A force de diffuser des nouvelles préoccupantes, des images de catastrophes, de véhiculer des informations défaitistes ou alarmistes, les médias dans leur ensemble (presse, radio, TV, internet, etc.) pourraient polluer notre mental et impacter notre santé.
Bel exemple de manipulation destructrice et nouvelle actualisation de l’allégorie de la grenouille. Resterons-nous dans la casserole ?